Fiches de lecture du livre numérique : CAHIERS D'ATELIER
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EN IMPASSE
J’ai l’impression qu’un cycle vient de se fermer, que je suis arrivé à la fin d’une démarche tant intellectuelle que plastique.
Je m’aperçois que je me suis engouffré dans une voie sans issue, le cul-de-sac parfait, qui ne me laisse que trois solutions : répéter indéfiniment une forme d’expression qui avec le temps est devenue formule, cesser totalement de continuer à faire ce métier, puisque la voie qui était mienne n’en est plus une pour moi ; la dernière serait d’essayer de trouver une nouvelle forme d’expression qui puisse convenir à celui que je suis devenu.
La première solution ; je me connais assez pour savoir que je serai incapable de la suivre. La seconde : pourrai-je tenir ? Reste la troisième, cette nouvelle forme d’expression que je cherche, pour l’instant je ne la vois pas. En tout état de cause, si elle existe, elle s’imposera d’elle-même. Il n’y a qu’à attendre.
Septembre 1970
LA RIGUEUR D'ÉCRIRE
Je ressens en moi une sensation diffuse mais persistante de l’extrême complexité des choses, phénomènes psychiques, intellectuels, moraux et autres qui déterminent des événements, des faits. C’est un sentiment frustrant, car il m’empêche souvent de formuler par écrit certaines pensées que j’ai pourtant envie de noter.
Écrire, suppose une certaine rigueur, une concision qui à son tour impose des restrictions donc l’élimination d’une quantité d’éléments insaisissables dont la complexité est antinomique à une expression intégrale. Il en résulte l’extrême difficulté d’une expression nuancée qui soit en même temps complète et brève.
D’où la sensation que toute pensée écrite est tronquée, partielle, incomplète, par conséquent sujette à caution.
Pourtant, parfois j’ai envie de noter.
Novembre 1971
SUBLIME HÉRÉSIE
Je viens d’un espace géographique et spirituel si éprouvé, qu’il m’obsède, me poursuit quoi que je fasse, où que j’aille. Je ne me rends pas compte si cela représente une chance (dans le sens qu’un tel itinéraire révèle peut-être mieux les choses essentielles) ou une malchance.
Le jeu esthétique purement formel ne me fascine pas, ne m’intéresse pas. Ni la « beauté intrinsèque » d’une pompe à essence, ou d’un pneu de voiture. Pas davantage, la jouissance d’un accord chromatique aussi beau qu’il puisse être.
Venant d’où je viens, je ne veux rien avoir à faire d’un assujettissement politique quel qu’il soit.
Peut-être ne sais-je pas encore très bien ce que je veux, mais (est-ce le commencement de la connaissance de soi ?) j’ai appris pour l’instant ce que je ne veux pas.
Tout cela veut dire que la seule place possible pour un peintre (raisonnable, compréhensible, défendable) est en marge, puisque peindre de nos jours est devenu une sublime hérésie
Décembre 1971
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