Fiches de lecture du livre numérique : QUAND ON EST CON, ON A TOUJOURS VINGT ANS

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Carole verse du lait dans le bol rouge de son chat. Le téléphone sonne. Déconcentrée, elle renverse quelques gouttes sur le carrelage bleu clair de la cuisine.
Stéphanie, sa fille, dans son parc, fait des vocalises. Lʼair est bien connu, le langage semble sibyllin et réservé aux moins de quatre ans. Ensuite, la mémoire déforme le vert paradis enfantin.

Carole va décrocher :
” Allô !
La voix ne lui semble pas totalement inconnue. Elle sʼexprime dʼun ton neutre et doux à la fois, sans doute pour rester ferme, afin de masquer tout sentiment.
” Bonjour Carole, vous êtes jolie.
” Allô ?
” Non, au contraire, vous êtes très jolie !... Tu as un beau cul, tu sais. Je lʼadmire sincèrement. En fait, je téléphone pour un sondage personnel. Je voudrais savoir si les culs que jʼadmire le plus servent souvent. Allô ?... Est-ce que tu tʼen sers souvent ?

Carole qui écoute en silence, plutôt que de raccrocher dans un geste dʼindignation définitif, appuie sur le silencieux du combiné. Couper la conversation nʼaurait pas effacé lʼinterlocuteur, personnage réel aux motivations douteuses.
Lʼavantage plausible en faisant durer ce déplaisir serait dʼarriver à obtenir quelques indices qui lui permettraient, si lʼhomme continue de lʼappeler, de le démasquer.

La voix continue :
» Peut-être pourrions-nous en discuter, tous ensemble, de ce chéri tout rond. Allô ? Allô ?
Surpris de ne plus entendre de bruits familiers mais un silence métallique, l’homme pense que la communication vient d’être coupée et raccroche.

Sans être inquiète outre mesure, Carole se demande qui cela pouvait être. Elle aurait dû lui demander. Mais non. II est peu probable que celui qui lui joue cette farce soit enclin à décliner son identité. Elle fouille dans sa mémoire pour y trouver une empreinte auditive. En vain. Cela ne veut pas dire quʼelle ne connaît pas la personne ou que la personne ne la connaît pas.
Le peu de détails quʼil avait donné dʼelle est bien la preuve qu’il la connaît au moins visuellement. Alors ? Un léger sourire détend les lèvres charnues de Carole qui sʼétaient crispées.
Sa bouche est sensuelle lorsquʼelle nʼy prend garde. Elle sʼentrouvre et prend lʼapparence approximative dʼun museau de poisson. Pour être plus précis celui dʼune tanche. Cela aiguise le plaisir à la regarder, car sa physionomie adopte inconsciemment un air candide et vulnérable, point de départ idéal à des fantasmes variés.

Elle trouve amusant, en relâchant le bouton du silencieux de lʼappareil, de comparer ce geste de protection illusoire face à lʼagression sonore à celui de la contraction dʼun sphincter. Cela sʼétait peut-être produit, elle nʼavait pas fait attention.

La vulgarité du propos ne lʼavait-elle pas malgré tout violée plus que de façon abstraite ? Elle est tranquillement installée chez elle, et ce qu’elle ressent dans son corps est un trouble capable de lʼempêcher de sʼexprimer de façon intelligible !Une légère rougeur sur ses joues peut encore témoigner de son émotion. Ce genre dʼaction est complètement stupide, se dit-elle, ça ne sert à rien, ça ne mène à rien. Il y a plus de regret que de colère dans la voix de Carole.
Elle avait déjà reçu un coup de téléphone hier. On avait demandé monsieur ?... Un nom comme Albert Camus. Cʼétait une erreur. La personne sʼétait excusée. Ça pourrait bien être la même voix.

Carole sʼenhardit à imaginer ce quʼaurait pu dire lʼhomme comme insanités sʼil nʼavait pas raccroché pour cause de silence. Sans doute quelque chose comme : « Vous vous servez souvent de votre cicatrice entre les cuisses ? «
Mais non !II avait plutôt l’air dʼapprécier les beautés callipyges. Un frisson la parcourt, sa bouche sʼentrouvre comme celle dʼun poisson venant à la surface pour prendre lʼair. Elle devient songeuse. Comme le disaient justement les dernières paroles de lʼinconnu, cela fait longtemps, en effet.
Machinalement, mais sans aucun plaisir, elle se caresse le pubis à travers sa légère chemise de nuit blanche, en pensant à son derrière tout rond. Pas énorme, non, mais rond, ça oui !Elle émet un petit cri, une sorte de rire avorté !

Elle sʼapproche du chat qui dort dans sa corbeille ou fait semblant. Il ouvre un œil quand elle essuie les gouttes de lait.

 

 

 

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