« Nous autres, civilisations, nous savons aujourd’hui que nous sommes mortelles. «
Paul Valéry
L’Insoutenable assomption de la Reine bouffonne a été écrite au Danemark, en 2004, dans les rues de Copenhague, au cours de mes déambulations solitaires. Je voyais ces personnages, je les entendais s’échanger leurs répliques cinglantes, au point d’en être gêné, importuné. Pour me débarrasser d’eux, je sortais de ma poche un stylo, je trouvais où m’asseoir et, les mains gelées, sur un bout de papier, j’écrivais leurs maudites phrases, jusqu’à ce que je me rende compte que j’étais en train de faire une pièce !J’avoue que je suis parvenu à rire de mes propres bêtises !
Ce ne sont pas des bêtises, hélas.
Je me vidais, en fait, de toute ma colère.
L’Insoutenable Assomption de la reine bouffonne est un texte « engagé « , comme on dit aujourd’hui (je n’aime guère cette étiquette) !Il y avait longtemps que je m’étais dit qu’on devrait retourner contre les moqueurs, les railleurs, les censeurs (enfin tous ceux qui manipulent notre opinion dans les journaux, sur les chaînes de télévision, de radio et que nous connaissons tous, ceux que j’appelle « les bouffons modernes « , les menteurs médiatiques professionnels), oui, qu’on devrait retourner contre eux, disais-je, leur dérision, leur suffisance, leur mépris. J’ai eu envie de me moquer d’eux, en utilisant leurs armes. Combien ils sont ennuyeux, hypocrites et inquisiteurs « enfin, combien sinistres » ces « bouffons modernes « !J’ai imaginé qu’un jour, le pire ou la pire (qui s’avère la meilleure) d’entre eux ose leur dire : « C’est fini, je ne joue plus !« J’ai voulu montrer comment ces inquisiteurs déguisés en clowns dresseraient leurs échafauds.
Je désire que le spectateur de cette pièce, si jamais elle est jouée, puisse se sentir « vengé « d’autant de manipulation et que le rire sardonique soit rendu à ceux qui en ont si longtemps fait les frais. Le clergé qui envoie aux bûchers les relaps et les hérétiques, c’est eux ; les cardinaux odieux qui couchent avec leurs maîtresses (ou leurs amants), c’est eux ; les papes en quête de pouvoir, prêts à toutes les horreurs pour se faire élire, c’est eux ; les imposteurs de l’art auto-proclamés « artistes contemporains « qui flattent les puissants, c’est eux ; les bourreaux qui utilisent la science pour déshumaniser l’homme, c’est eux ; les ignobles, les ordures, les tartuffes de tout poil, c’est eux, toujours eux, encore eux !Quand ils nous font croire que ce sont les autres qui menacent l’équilibre du monde, je veux montrer que ce sont eux qui, depuis des années, font subir leur dictature, leur terrorisme intellectuel, aux « parias « irréductibles, réduits à quia, parias voués au silence ; et ce sont eux, les censeurs d’un système politico-médiatique qui ligotent les mots et les pensées de leurs victimes.
Mais nous sommes à la fin d’un règne immonde.
Voilà pourquoi la reine est une bouffonne, une reine dérisoire et « dissidente « qui ne peut pas faire autrement que de tous les trahir en beauté !Elle leur dit bien haut ce qui est interdit et elle leur fait un irrévérencieux pied-de-nez. Le moins qu’on puisse dire est que ces gens-là, pourtant très amateurs d’insolence, n’apprécient guère qu’elle les imite.
Alors qu’elle s’élève, la reine prédit leur chute. Son assomption est symbolique. Ils restent à terre ; ils ne l’attraperont pas !Leur interprétation du monde est trop horizontale et plate, pour qu’ils puissent la rejoindre. Ils sont victimes de leurs choix. Ce qu’ils ont refoulé un temps hors de la cité, revient.
Ce n’est pas fini !...
Je prédis un retour des valeurs refoulées.
Aujourd’hui, après les premières convulsions, je devrais dire, les premières douleurs de l’enfantement que subit notre monde pour bientôt renaître à l’Amour, je crois nécessaire de prévenir de fausses interprétations de ce texte, car je connais la malice des méchants. Ce n’est pas à la promesse du retour du fanatisme ni de l’intolérance que la reine s’engage dans la dernière scène !Non, n’en déplaise aux méchants, c’est à la promesse d’un monde débarrassé du nihilisme (et du fanatisme et de l’intolérance et de la manipulation et de la censure) que le spectateur assiste. Il n’est pas dit qu’en attendant ce retour, les démons dont je viens de parler (du vrai fanatisme et de la véritable intolérance) n’aient pas été libérés de l’enfer où « les bouffons modernes « croyaient les avoir « pauvres naïfs et présomptueux encore ! » enfouis à jamais. Aujourd’hui « les bouffons modernes « découvrent avec horreur que la place est vide ! Leur dérision y est pour beaucoup. Et ils ont peur, car cette place vide a attiré des diables inattendus qui se révèlent aussi leur double inversé : « les bouffons modernes « découvrent (ils ne cessent de découvrir) que ces démons ont la même haine qu’eux fichée au fond du cœur, mais les démons, quelle différence effroyable !eux, ont la foi, et les démons détestent ceux qui ne l’ont pas, « les bouffons modernes « !Quelle mauvaise surprise !La reine bouffonne avait donc raison... Voilà comment finissent les civilisations.
Mais nous, spectateurs, rassurons-nous et soyons consolés, la reine bouffonne a promis qu’elle reviendra bientôt, précédée de « de la Foi 1 « .
Nous l’attendons !