Charles Baurin n'est pas un inconnu pour ceux qui savent qu'il nous accompagne depuis le début de notre aventure éditoriale. Parler d'aventure éditoriale, pour Lettropolis et ses affiliés, ce n'est pas réduire ce terme à sa version purement économique comme tant d'entrepreneurs le font (on les comprend d'ailleurs). C'est d'abord investir dans l'aventure des rencontres humaines, une fin d'après-midi, dans un grand magasin de Nouvelle-Écosse, parler de poésies, de chansons, évoquer des envies communes de littérature, de mots en jeux, de jeux de mots, et de ce plaisir étonnant de les lancer au ciel des idées. Résultat, aujourd'hui, cette publication qui en étonnera plus d'un, enfin, ceux qui ne connaîtraient pas encore l'inventivité de Lettropolis.
MISE EN MOTS appelle une poésie très personnelle de notre ami Charles. Savoir d'abord « il ne s'en cache pas, et même le proclame « qu'il vit comme il écrit et écrit comme il vit. Ainsi, son appel aux voyelles évoquera bien sûr des références classiques, mais s'enrichira de notes de musique (Il est aussi musicien), ainsi que de reproductions de ses tableaux ou photographies. Cela n'est pas pour déplaire à Lettropolis, qui s'ouvre à toutes les bonnes pistes, dans le domaine du dialogue écrit-image. En voici une qui n'en est qu'à ses débuts, et vous en aurez bientôt d'autres preuves.
Il écrit donc, comme il vit, et encore plus comme il l'aime et comme il aime. Ah !Ce « l' « dont la présence ou l'absence change tout, oriente les passions vers la chose écrite ou les choses de la vie.
Les lecteurs de MISE EN MOTS s'en apercevront bien vite : le recueil pourrait porter comme sous-titre Ode à la femme. Banal direz-vous !Tant de poètes se sont donnés à cette célébration féminine, comme tant de peintres ont réinventé le nu. Certes, alors disons que le thème est éternel et que chacun porte en lui le droit de l'enrichir et d'en magnifier le bonheur. Pousser le thème au-delà du droit, vers le devoir ? Certainement pas, car il est des expériences mal venues, ou amères, ou douloureuses, peut-être. Mais ici, elles ne transparaissent pas. Ce sera un grand secret du poète de garder en lui cette part obscure... si elle existe. Aucun psychologue ne s'étonnera que les farfadets ne soient privés d'aucun des fardeaux de l'âme humaine. Simplement, ils vont et dansent et chantent comme leur nature le leur commande.
Mais revenons à l'écriture proprement dite de cette poésie : les sons et les images font partie de sa recherche, mais il serait vain de la limiter à de trop simples vocalises ou autres visuels. L'esthétique, pour assumée qu'elle soit, pourrait mener à une certaine stérilité. Pas ici, car Charles Baurin a intégré les préceptes d'autres défricheurs de l'âme. Il cite parmi eux Yves Bonnefoy, mais navigue entre Saussure et Barthes, Rimbaud et Devos. Autant dire que le feu d'artifice n'attend que la présence du lecteur pour éclater dans le ciel de notre imaginaire... ou de notre réalité.
MISE EN MOTS se veut aussi un don d'envies, et peut-être même de vocations. Charles Baurin, oscille entre poésie et professorat, deux états qui, sans se contredire, appellent à de fréquentes discussions. Cet appel, il le signe de la manière la plus classique, en invitant ses lecteurs à oser le son, l'image, le texte, à lui envoyer leurs productions. Mais en outre, il le glisse en bousculant certaines règles établies. Par exemple, hormis quelques nécessités dans la table des illustrations, cherchez les majuscules dans ses textes. Vous n'en trouverez que trois qui hurleront à vos yeux. Parti pris inadmissible ? Méconnaissance de la typographie ? Vous n'y êtes pas. Suivez la piste, osez repenser l'esthétique, osez une réflexion complémentaire.
Mieux encore « pis, diront certains « vous rencontrerez de temps à autre quelques bizarreries grammaticales. Ne croyez pas qu'il s'agisse là d'inconvenances portées à la langue française. La réalité est que Charles est un Petit Poucet qui sème sur son chemin. À sa façon il souhaite nous expliquer quelles hésitations a pu rencontrer son inspiration, quelles croisées de chemins l'ont amené à faire une pause. Peut-être même veut-il ainsi exprimer : « C'est bien moi, me reconnaissez-vous ? Voulez-vous que nous jouions ensemble ? « Il ne serait pas le premier à se montrer ainsi en son œuvre. Chacun a ses raisons. Celles d'Hitchcok ne se confondaient pas avec celles des transmetteurs en morse qui introduisaient des erreurs de frappe, elles-mêmes porteuses de marques d'identification.
Mais comme nous vous avons aidé pour trouver les majuscules, nous vous laisserons emprunter votre chemin et affûter votre attention vers cette grammaire dans la grammaire de la poésie qui engendre une autre relation au langage. MISE EN MOTS, c'est aussi une mise en saveur de tous nos sens, et les illustrations (photographies et peintures de Charles Baurin) qui accompagnent les textes, seront autant de phares en ce voyage.
Ah, j'oubliais !Il est possible que certaines de ses poésies, à tendance verte au bon sens du terme « lestes, en quelque sorte « fassent froncer quelques sourcils. Mais vraiment, si Charles Baurin joue parfois à se faire « lettropolisson « , devrions-nous nous interdire toute « lettropolissonnerie « ?