Comme bien des textes de Christophe Biotteau, celui-ci a mûri pendant longtemps, autant dans une pile d’autres documents, que dans sa pensée. Les années ont passé, les générations nouvelles fréquentent de nouvelles machines “ on parle de « technologie » “ et elles en ont perdu d’autres en chemin. Parmi celles-ci, la guillotine.
C’est ainsi que cet Entretien avec un bourreau a trouvé une nouvelle jeunesse. Nous parlons au sens propre : deux jeunes gens, nos contemporains, adeptes de Facebook (ou prisonniers de Facebook, c’est comme on veut) écoutent l’enregistrement sur cassette (une antiquité) d’un journaliste dialoguant avec un bourreau (une autre forme d’antiquité). Ce qui en sortira ? Vous le saurez à la fin, comme dans toute vie... de texte, ou d’homme.
De plus, le texte a trouvé une deuxième nouvelle jeunesse, au sens figuré. Alors que la version de base s’en tenait au dialogue du journaliste et du bourreau, l’adjonction des deux adolescents, le rendant contemporain, bouscule les époques, les dialogues, les formes, les interrogations, les exclamations. Il s’ensuit une théâtralisation d’ensemble, une nouvelle dramaturgie. Enfin, nous l’espérons. Et s’il y a bien trois actes, ils contiennent tant de scènes en contraste que nous avons préféré les laisser venir, au fil de l’histoire, bousculer le lecteur-spectateur, libre maintenant d’imaginer une scène, un décor minimal et de suivre ce double pas de deux que domine l’ombre de la « machine à Deibler ».
Ne nous privons pas d’une troisième nouvelle jeunesse, celle de la typographie, cahotante pour les deux jeunes gens, suffisamment pour que l’on visualise l’opposition des styles, symptomatique de cette opposition des anciens et des modernes, tout en refusant de donner dans le genre déliquescent des apocopes, désarticulations pseudo phonétiques et autres raccourcis d’écritures qui ne sont que guillotinades de la pensée, ce qui, à bien y réfléchir, n’est jamais souhaitable.
Enfin, quatrième pas : Le grand Victor Hugo qui écrivit Quatre-Vingt-Treize, nous excusera d’avoir préféré Quatre-Vingt-Treize, suivant en cela les meilleurs manuels.